Si doux et pourtant si cruel

Un sentiment étrange de vide, l'envie de laisser les larmes couler sur ses joues, un manque profond de bien-être dans sa vie... C'était ce qui caractérisait la faim d'un vampire mangeur d'âme, du moins, chez les Florentinne.

Virgil cacha ses yeux de ses mains, l'air fatigué. Il quitta la demeure des Kyosuke et se dirigea vers la forêt elfe, en achetant au passage quelques victuailles qu'il plaça dans un sac. Tel un animal qui ouvrirait le passage, il huma l'air en espérant capter les effluves qu'il recherchait, la mine pensive. Longtemps le vampire marcha avant qu'une odeur attire son attention. Il s'adossa contre une vieille souche de chêne, les bras croisés. Il sortit une pomme de son sac qu'il déposa au sol, croquant à belles dents. Le type de vampires qu'il était pouvait manger comme les humains. Le sac tomba au pied de la souche et s'ouvrit davantage. Bref, un délicieux parfum de nourriture se répandit un peu partout. L'odeur vint aux narines d'un jeune enfant qui accompagnait sa mère à une cueillette. Le gamin, appartenant à la basse société et ne mangeant pas toujours à sa faim, gambada jusqu'au vampire tout en s'écartant de sa mère. Virgil huma l'air et sourit, dévoilant des crocs acérés.

- Tu as faim, mon petit ? (chuchotements) Moi aussi...

Il se pencha un peu et fouilla dans son sac. Un morceau de pain en ressortit et se fit rapidement dévorer par l'enfant qui, prudent, ne l'était plus par la faim qui le tiraillait. Le gamin fit beaucoup de bruit en mangeant, mais sa mère était bien loin avec les autres. Virgil approcha discretement sa main de celle de l'enfant. Simplement du bout des doigts, le contact se fit et le garçonnet poussa un énorme soupir avant de tomber au sol, endormi. Ses victimes étaient plus faciles à endormir lorsqu'elles se sentaient en confiance et lunatiques. Le vampire s'assied et caressa la nuque du gamin, plongé dans ses pensées.

À ce moment là, Haru passait dans le coin. Elle suivait comme toujours les gens qui rodaient dans la forêt. Elle était dans les arbres avec son écureuil et elle vit le jeune homme qui était en compagnie d'un enfant. Intriguée elle décida de se faufiler à travers les branches et de descendre l'arbre sans faire de bruits. Elle se cacha dans un petit buisson en observant la scène. Elle était sans voie. Elle trouvait ce moment étrange. Elle savait que quelque chose n'allait pas avec ce jeune homme. Elle continuait de l'observer. Mais Haru était bien naïve, alors elle décida de se lancer en dehors du buisson pour aller voir le garçon qui était assit proche d'elle.

- Qui es-tu..?

Elle restait sur ses gardes en tournant un peu autour de lui. Elle regardait parfois autour d'elle s'il n'y avait pas d'autres gens autour d'elle.

Virgil attrapa le gamin par le collet et s'approcha de sa gorge. Il était si proche qu'il pouvait presque entendre les battements de son coeur ou les voir. Une petite voix retentit derrière lui. Malgré qu'il fut civilisé, le vampire n'aimait pas qu'on le dérange dans ses repas. Chaque victime était choisie précieusement, il n'était parfois pas facile de trouver aussi bien, alors si on venait la lui enlever... Surpris, il releva la tête et lâcha le garçonnet pour éviter de se faire prendre. Une petite fille tournait autour de lui, l'air méfiante, trop sur ses gardes et trop énervée pour l'endormir sans bruit ni traces. Ses sourcils se froncèrent en l'épiant. Il se releva et caressa ses cheveux d'une main dès qu'elle fut suffisament proche de lui.

- Je suis Kamui Kyosuke. dit-il d'un ton doux.

Un autre bruit se fit entendre. La mère du gamin cherchait son enfant égaré, mais sans précipitations. Elle se rapprochait dangereusement d'eux, de lui et sa proie. Il mit un genou au sol. Un sourire sans dents s'étira sur ses lèvres.

- Une femme cherche quelque chose par ici, mais elle ne trouvera rien. Si tu l'éloignes d'ici, je te récompenserai, d'accord ? Je ne dois pas quitter cet enfant-ci des yeux.

D'un mouvement habile, Virgil sortit une seconde pomme de son sac et la lança doucement vers l'enfant. Il ne pouvait pas se permettre d'attirer la femme par ici, ni la côtoyer. Son apparence et sa présence en ces lieux étaient trop louches.

Virgil eut un calme surprenant cette fois-ci. Il regarda la filette qui venait de hurler comme une déchaînée et lui fit un sourire en réplique au sien. Certes, cela l'avait quand même surpris, mais ça n'avait pas paru sur son visage. Il resta là, assis au sol, observant les événements qui allaient survenir.

La femme sortit des fourrés avec un panier tressé à son bras. Quelques autres enfants l'accompagnaient. Sa tête fut plus qu'effrayée, on ne put dire si c'était à la vue de l'homme ou de son enfant. Le vampire lui fit un sourire et ne bougea pas d'un poil, pour essayer de la calmer.

- J'ai trouvé votre enfant dans les buissons, je l'ai ramené près de moi, et il semble que j'ai eu raison... Vous êtes là.

La mère l'épia un très long moment. Elle se demandait principalement d'où venait le cri, sûrement pas de l'homme, la voix avait été trop aigue. De peur ou d'empressement, elle prit son fils dans ses bras et partit sans dire plus de mot. Son mensonge avait été plus que mauvais, l'enfant se souviendrait sûrement de ce qui s'était passé. Mais quelle importance ? Si elle appelait les gardes, il serait déjà bien loin.

Virgil se leva dès que la mère et ses enfants eurent tous le dos tourné. Il huma l'air comme l'aurait fait un chasseur, la main sur la garde de son sabre. Il allait les saigner un par un si il le fallait, pour une seule des victimes ici présente. Rien qu'à l'idée qu'on lui enleve une nouvelle fois sa proie l'agaçait. Mais aucun des êtres n'avait l'odeur qu'il espérait, hormis celle du gamin. Mais son odeur était déjà moins attrayante, une autre l'attirait davantage. Il laissa glisser ses doigts de son sabre, les laissant partir en vie et tordit un peu le cou. Ses yeux acier se tournèrent vers l'arbre où la petite fille se cachait. Il sentait encore sa présence, alors elle ne faisait pas partie de la famille qui venait tout juste de partir. Était-elle abandonnée ou ses propres parents étaient plus loin ? Était-elle simplement égarée ?

- Petite fille, ce que j'ai dit à la femme est la pure vérité. Tu n'as pas à craindre de moi, descends donc de l'arbre pour qu'on puisse parler.

Il se retourna lentement vers l'arbre. Il avait beau être un vampire, sa race était sûrement la plus faible. Ses années d'expérience n'avaient rien changé à ses futiles capacités d'escalade, déjà que la majorité de sa vie avait été passée en prison. Il leva la tête vers les hautes branches de l'arbre, camoufflées de feuilles. Sa soif le tiraillait tant, deux ruissellements de larmes coulèrent sur ses joues. Ce n'était pas de la peine, simplement un signe de sa carence. Son expression était totalement dénuée d'émotions, en drôle de contraste avec les larmes. Virgil fit soudain mine d'avoir entendu quelque chose et huma légèrement l'air. Il ne sentait rien, n'entendait rien.

- Tu sais, nous sommes très proche d'une tanière. L'ourse vient juste d'avoir une portée, il serait dangereux de rester ici, ou de rester seul, tout simplement. Descends donc.